Frédéric Alexandre nous a confié son émotion durant le tournage dans le décor très important de La forêt de mon père, l’Etablissement Public de Santé Mentale de Bailleul, qui existe depuis plus de 150 ans. Alors, pour continuer à découvrir les secrets de fabrication du film, on s’est rapproché de Pierre Vandevoorde, qui en est le chargé de communication.
« Nous recevons chaque année entre 5 et 10 demandes de tournage. Les repéreurs de films se parlent entre eux et doivent se refiler notre numéro de téléphone (rires)
On reçoit beaucoup de demandes car notre établissement permet de disposer d’une grande variété de décors. Il a été totalement reconstruit après la première guerre mondiale, dans une architecture néo-balnéaire typique de l’entre-deux guerres. De ce fait, on n’a pas l’impression d’être dans un centre hospitalier. Le lieu ne correspond pas à la représentation de l’hôpital telle qu’elle est ancrée dans les esprits.
Quand nous sommes sollicités pour un tournage, le projet de film est présenté à la direction qui me donne ensuite l’autorisation de faire visiter les lieux. Si le premier repérage est concluant, en général se fait une deuxième visite avec une équipe plus complète avec le/la chef.fe déco notamment.
Ensuite, si l’équipe confirme son intérêt pour notre site, l’équipe de direction de l’établissement examine la demande et donne, ou pas, son accord pour le tournage. Nous sommes d’ailleurs très souvent sollicités pour des téléfilms et des séries, plus que pour des longs métrages cinéma. On a eu longtemps un habitué des lieux, avec Bruno Dumont qui a tourné à plusieurs reprises chez nous.»
Comment arrivez-vous à combiner les tournages et le fonctionnement de l’EPSM ?
« Nous avons des lieux de soin, des unités qui sont vacantes et c’est vers ces 2/3 bâtiments que nous orientons les équipes de tournage. A chaque fois, les équipes décoration réadaptent l’endroit en fonction des besoins du scénario avant qu’ils soient investis par l’équipe de tournage. »
« Quand Vero Cratzborn est venue voir le lieu, je crois qu’à ce moment là ils avaient un autre EPSM en tête pour le tournage. Et quand elle est arrivée, elle a tout de suite accroché parce que le parc est très arboré de feuillus et de conifères, et c’était totalement raccord avec l’ambiance « forestière » du film. »
« L’histoire du film « colle » avec un établissement comme le nôtre, car La forêt de mon père, ça parle d’un trouble de santé mentale. Cette expérience s’est révélée être une très belle collaboration tant au niveau logistique qu’humain. De surcroit, avec ce tournage, on a tourné dans les sous-sols* de l’hôpital : c’était la première fois qu’un.e réalistateur.trice y tournait ! Et cela rend bien ! La magie du cinéma ! »
Est-ce que c’est important que des films, comme celui de Vero, qui traitent de la problématique de la santé mentale existent ? Est-ce important qu’on évoque ainsi ce que peut vivre l’entourage du malade ?
« Notre société est ainsi faite que les maladies mentales, on ne les aborde pas facilement chez l’adulte. On en parle davantage en ce moment car, du fait du confinement lié au Covid-19, tout le monde a été contraint de respecter une situation qui ne relevait pas de sa propre décision et de composer avec l’anxiété qu’elle provoquait en soi et dans l’entourage. C’est important qu’un film comme celui de Véro existe parce que notre société a tendance à vouloir que tout le monde aille bien, c’est inscrit dans le fait même de demander aux personnes, quand on les rencontre, comment elles vont, pour qu’elles répondent généralement « ça va ». On a oublié toute cette partie de la population qui, elle, ne va pas bien, est malade, et ils sont nombreux les gens qui sont dans cette situation, touchés de façon psychiatrique ou somatique. C’est important de montrer que ces situations existent dans la cellule familiale et que cela peut arriver à n’importe qui. C’est un peu comme si notre société avait oublié le mot « échec ». Pourtant, il faut apprendre à se « casser la gueule », parce que si on ne se casse pas la gueule, on ne se relève pas. C’est important de dire que parfois des gens ne vont pas bien, ont des troubles et que parfois même, ils peuvent mettre leur famille en danger. »
Allez-vous utiliser le film de Vero Cratzborn pour sensibiliser au sujet ?
« On a changé d’époque. Le traitement de la santé mentale en France, dans des établissements comme le nôtre, a évolué. Cela nous intéresse vraiment de parler et faire parler de santé mentale, c’est bien que ce film existe !
Quand j’ai senti la fibre que Vero avait par rapport aux questions de santé mentale, il a été décidé que l’on bâtirait un certain nombre d’événements ensemble. Nous allons mettre en place plusieurs actions, notamment des ciné-débats avec le Flandria de Bailleul ou le Studio 43 de Dunkerque. L’envie, c’est de montrer que ce n’est pas une petite partie de la population que l’on peut cacher. Ce film décrit une phase de vie que nous pouvons tous rencontrer à tout moment. Il faut profiter de l’existence du film pour libérer la parole sur le sujet et mettre en lumière toute une partie de la population concernée par le sujet. L’UNAFAM (Union Nationale de Familles et Amis de personnes Malades et/ou handicapées psychiques) est d’ailleurs déjà très intéressée pour participer aux débats, après les projections du film. La forêt de mon père a réussi à « vulgariser » une situation, Vero est parvenue à rendre son histoire universelle et à faire que tout le monde puisse s’y reconnaître ou reconnaître un proche. »
Un grand merci à Pierre Vandevoorde pour sa disponibilité et son enthousiasme.
*A propos du choix de tourner dans les sous-sols de l’hôpital, Vero Cratzborn nous a confié avoir demandé un soir, lors des repérages, à pouvoir venir voir l’hôpital la nuit car il y aurait des séquences nocturnes. C’est alors, en se promenant dans le lieu, qu’elle découvre une porte entre-ouverte. Elle décide d’entrer pour voir ce qui se cache derrière et découvre les sous-sols. Ce décor n’est pas prévu au départ mais il inspire Vero qui, par ailleurs, a l’obligation de devoir gagner du temps de tournage. Le scénario sera donc modifié pour utiliser le décor du sous-sol et ainsi optimiser le temps de tournage. A l’évidence, pour Vero, la contrainte ne restreint aucunement la créativité.
Interview réalisée et article rédigé par Anne Lucie DOMANGE pour De la suite dans les images
© photos tournage dans les sous-sols : Philippe Guilbert
Rencontres
Le bon décor au bon moment
Rencontre avec Frédéric Alexandre, premier assistant réalisateur de « La Forêt de mon père ».
De l’importance de ne négliger aucun détail
Rencontre avec Sébastien Colaert, régleur de cascades, à l’occasion de la sortie de « La Forêt de mon père ».
Le concours déclencheur
Rencontre avec Vero Cratzborn à l’occasion de la sortie de son film « La Forêt de mon père »
Jean-Marc Delcambre – directeur du Festival2Valenciennes
Dont De la suite dans les images est partenaire.
Sophie Bourdon – comédienne
À l’occasion de la sortie de « Mine de rien ».
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